dimanche 19 juillet 2009

Robinson : premier chapitre, take II

Sous les flocons qui se précipitent à sa rencontre, Zoé savoure sa victoire sur la convoitise. Bien qu'elle ait échafaudé un plan fabuleux, dont un auteur consciencieux ne saurait révéler les détails, pour la subtiliser dans un grand magasin, Zoé a finalement opté pour acheter la robe dont elle avait envie. Pas une robe très chère, mais pour elle une folie sans précédent. Une robe spéciale dans laquelle elle se retrouve Alice au pays des merveilles, version noir et blanc. La robe est toute noire, sur sa peau si blanche. Et pour la première fois, une robe définitivement sexée qui souligne délicatement ses formes discrètes tout en masquant la navrante étroitesse de ses hanches. Pour elle, et pour elle seule, avoir le temps d'une soirée l'impression fugace de jouer à être femme. Parce que ses deux mecs le lui permettent. S'ils sont bien loin de partager son innocence, ils ont mérité sa confiance. N'entre pas sur son territoire qui veut. C'est elle qui les a invités à partager son antre. Pour des raisons pratiques mais aussi par atomes crochus. Deux rencontres improbables dans des circonstances pour le moins particulières avec des êtres tout aussi particuliers.

Daniel, rencontré dans une église où le prenant pour un prêtre elle lui avait demandé de la confesser. Une de ses marottes quand elle s'ennuie et a le goût de parler avec quelqu'un et de s'inventer un personnage dépravé. Ancien détenu, d'âge canonique, il pourrait même avoir soixante ans, bourru et presqu'aussi solitaire qu'elle. Il cuisine dans un refuge pour sans abri. Inutile de se demander à quoi il carbure. Zoé croit même qu'il ne carbure pas du tout.

Richard, rencontré dans le métro. Pour établir le contact, il a vomi sur elle. Perdu dans des vapeurs illicites, elle l'avait en quelque sorte recueilli comme un chat de gouttière. Presqu'aussi utile, mais une présence agréable, teinté d'un humour brillant. Gentil comme tout, mais tellement plus féminin qu'elle. Barman dans le village. D'une discrétion absolue. Zoé est convaincue que sous sa réserve apparente il mène une vie débridée mais elle ne dispose pas du moindre élément de preuve. Et surtout cela ne présente aucun intérêt.

Depuis le début de ce que l'on peut considérer comme leur vie commune, jamais personne d'autre que ces trois-là n'a franchi le seuil de la porte que ceux qui y sont venus pour effectuer une tâche reliée à leur fonction. Le sanctuaire n'est pas ouvert au public.

Un petit réveillon empreint de simplicité dans lequel chacun joue son rôle.

Zoé, hôtesse moderne et modèle, a mis la patte douce sur son maquillage qui ce soir n'a pas pour fonction d'éloigner mais de rapprocher.

Daniel aux fourneaux s'est vu octroyer un budget illimité et peut, pour une fois laisser exploser sa virtuosité et donner la pleine mesure de son talent.

Richard s'explose dans des cocktails dynamiques à faible teneur en alcool : il faut que les convives surnagent jusqu'au repas principal et aux deux fabuleuses bouteilles de vin qui figurent au programme.

Zoé est la seule à s'être préoccupée des coûts exorbitants de la soirée. Mais son côté écureuil a cédé devant la détermination de ses deux sbires qui ont même proposé d'assumer seuls les coûts du réveillon. Il faut dire que pour chacun d'entre eux, la fraction des revenus consacrée au logement est nettement sous la moyenne et que tout le monde profite amplement des arrangements convenus.

Un observateur, si sa présence avait été tolérée, aurait eu bien du mal à croire que ces trois-là ne se connaissaient pas quand l'année est née.

Les émotions l'emportent sur les apparats et chacun s'efforce d'oublier que la vie pourrait les séparer au moins aussi rapidement qu'elle les a réunis. Mais les nomades savent profiter de la douceur des liens qui les unissent sans se casser la tête avec l'avenir. Et Noël leur permet d'échanger leur amitié comme d'autres échangent des cadeaux et des vœux superficiels. Ce soir, ils sont une famille de trois. Et Zoé étincelle dans sa petite robe noire.



Dans un tout autre coin de la ville, Robinson avale stoïquement son potage et sa soirée.

La seule présence de son père suffit à l'éloigner de la notion même de plaisir. La corvée se déroule comme une corvée et malgré l'éclairage de circonstance, le réveillon ressemble à la veillée d'un mort. D'une morte, depuis longtemps incinérée, mais dont le souvenir a un goût de cendres vient finir de gâcher son repas.

6 commentaires:

  1. J'efface la version précédente dès que j'ai un indice que quelqu'un, comme un genre de Rainette, est passé par ici.
    Le chapitre suivant est centré sur Robinson.

    the spoiler

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. ok je viens d'effacer pour me reprendre. Tu peux effacer l'esquisse.

    J'ai lu la prise 2, la prise du gros Rougeau hihi! Je reviendrai commenter.

    A plousse bain de mousse

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  4. Trois coeurs se sont trouvés
    Stéphanie, Antoine, Albert (noms fictifs)
    ou Zoé, Daniel et Richard (ça fait six)

    Tout le jour ils avaient cherché
    Une chaude maison
    Ils l'ont trouvé, cette maison se nomme la nuit.

    ET bientôt Robinson viendra les retrouver, Neurone de son petit nom

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  5. La prochaine version approche.
    En même temps que l'ébauche du deuxième chapitre.

    l'auteur en transes

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  6. Super bien écrit. J'ai adoré. J'ai même sourie à quelques reprises...me rappelant quelques beaux souvenirs ;-)

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